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11'09'01 de Chahine, Gitaï, Imamura,...

Bien entendu, l'on n'échappe pas aux aléas du film collectif et, selon les sensibilités, l'on appréciera mieux telle ou telle intervention. Au final, le résultat est impressionnant et le cahier des charges parfaitement respecté: offrir une image autre du 11 septembre…


L'entreprise tient en un mot: le décalage. Ou, pour rester dans une logique propre à l'image: le hors champ. Hors champ au tout venant médiatique qui nous a abreuvé, des mois durant, de quelques images montées en boucle, disant sempiternellement la même chose: deux tours s'effondrant dans le fracas d'une civilisation incrédule, obnubilée jusqu'alors par sa toute-puissance. Orchestration spectaculaire et tragique d'un esprit dément.


Un salutaire contrepoint
Mais ces images ont aussi oblitéré une réalité toute autre. Comme si un seul point de vue était possible, comme si la conscience restait captive d'une horreur qui nous a tous percutés de plein fouet, comme si les États-Unis détenaient le monopole de la douleur. Cependant, nous ne sommes pas tous Américains, et la représentation de cet événement dans les consciences collectives trouve autant d'échos que de cultures ou de sensibilités politiques.
Là réside la bonne idée d'Alain Brigand: convoquer des cinéastes de tous les horizons pour s'exprimer sur les événements du 11 septembre et leurs conséquences… Et ce, dans le cadre d'un film composé de courts-métrages de onze minutes, neuf secondes et une image. Onze cinéastes ont répondu à l'appel et, dans ce qui en résulte, l'on trouvera du bon et du moins bon. Cependant, la force du tout l'emporte sur des parties forcément inégales.
Collant parfaitement à la commande, quoiqu'un peu didactique, le court-métrage de Samira Makhmalbaf. Une maîtresse tente de communiquer à de jeunes Afghans réfugiés en Iran l'ampleur du drame. Mais le décalage est complet: qu'est-ce qu'un gratte-ciel en plein milieu du désert? Des milliers de morts, lorsqu'un oncle disparu est déjà une catastrophe? Le film illustre bien le changement d'échelle et de priorités, selon le point de vue.
Même type de décadrage pour la farce réalisée par Idrissa Ouedraogo. Cinq jeunes Burkinabés tentent de capturer Ben Laden qui ère erre dans Ouagadougou: la récompense promise soignera la mère de l'un d'entre eux. C'est le décalage Nord Sud qui frappe ici, même si le ton de comédie détonne un peu. De Lelouch, on ne sera guère surpris qu'il réalise «Un homme et une femme», à l'ombre des tours jumelles. Seule bonne idée: onze minute de silence.
Mira Nair déçoit par une réalisation très conventionnelle pour une histoire pourtant édifiante: comment un musulman de NY passe du statut de traître à celui de héros en quelques semaines. Chahine n'a pas peur de mettre en parallèle un GI tué au Liban et un Palestinien poseur de bombe. En un plan-séquence, Amos Gitaï se moque autant de l'hystérie médiatique que de l'asymétrie entre l'événement américain et la violence quotidienne en Israël.


Des souffrances en résonance
Sur le mode de la sobriété, Ken Loach excelle. Dans un court-métrage quasi-documentaire, il mêle le 11 septembre 2001 à celui, chilien, de 1973. Ce film, bouleversant, rappelle les exactions américaines: c'est politiquement le plus convaincant. Même résonance des souffrances dans le Tanovic: les femmes de Srebrenica manifesteront pour leurs morts autant que pour ceux des USA. C'est, esthétiquement, le plus épuré.
Autre réussite, Sean Penn qui réalise une superbe métaphore de l'isolement américain et de sa trop tardive prise de conscience. Seul à aborder l'événement de front, le film expérimental d'Inárritu offre une prière incantatoire d'une redoutable violence. Quand à Imamura, il clôt l'ensemble avec une fable dont il a le secret. Renvoyant dos-à-dos les belligérants, il conclut qu'il n'existe pas de guerre sainte.

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